- SINGAPOUR
- SINGAPOURL’État de Singapour (571 km2) est composé de cinquante-quatre îles et îlots situés à l’extrémité de la péninsule malaise et compte, au 30 juin 1993, 2 873 800 habitants dont l’essentiel peuple l’île principale – 41,8 km de longueur sur 22,5 km de largeur –, qui est reliée à la péninsule malaise par une digue routière et ferroviaire de 1,05 km franchissant le détroit de Johore.Le cadre géographiqueLa structure de la grande île est formée de trois ensembles essentiels:– À l’ouest et au sud, les formations les plus anciennes – roches sédimentaires permo-carbonifères et triasiques – sont constituées d’argiles, de schistes, de sables et de conglomérats; l’ensemble a été affecté d’un réseau complexe de plis et de fractures.– La partie orientale est recouverte d’alluvions anciennes (masse semi-consolidée de sables, graviers et galets avec bancs argileux) déposées au Quaternaire par le réseau hydrographique malais, témoins des anciennes terrasses de la rivière de Johore (Pléistocène inférieur).– Le centre de l’île est un batholite granitique post-triasique accidenté de nombreuses proéminences (bukit ) dont Bukit Timah (166 m), le point culminant de l’île. L’ensemble est recouvert de sols ferralitiques rouges et jaunes.Les plaines, qui ne représentent que 10 p. 100 de la superficie de l’île – dont les deux principales, plaine de Jurong à l’ouest et plaine de la Kallang et de la Geylang à l’est –, s’ouvrent sur le littoral méridional. Le réseau hydrographique est en revanche complexe et dense du fait de l’abondante pluviosité et de la diversité du matériel rocheux affouillé, mais il s’agit de cours d’eau de dimension très réduite, l’élément principal – la Sungei Selatar – ne mesurant que 12 kilomètres.Située à 137 kilomètres au nord de l’équateur (10 91 de latitude nord), Singapour connaît un climat équatorial typique, constamment chaud et pluvieux. L’amplitude thermique annuelle n’est que de 1,8 0C, et la température quotidienne varie au maximum de 23,8 0C à 30,7 0C, en moyenne. La tranche d’eau annuelle est de 2 400 millimètres avec un maximum en novembre-décembre mais sans aucun mois sec. Ce climat est toutefois adouci par la situation insulaire qui provoque une «brise de terre» chaude au cours de la nuit, mais une «brise de mer» fraîche pendant la journée.La végétation était à l’origine une forêt dense semper virens et la mangrove sur le littoral; de ces formations primaires, il ne reste plus que la réserve naturelle de Bukit Timah et de Nee Soon (70 ha) et la réserve naturelle de la Kranji sur la côte nord de l’île. Les forêts secondaires – Euphorbiacées, Guttiferae, sous-bois luxuriants – occupent 8 p. 100 de l’île, de même qu’une formation herbacée à Imperata – lalang – développée après les brûlis forestiers répétés du passé. Mais l’essentiel est aujourd’hui une végétation anthropique qui couvre le tiers de la superficie de l’île, où la formation dominante est constituée d’une strate supérieure de cocotiers et de vieux hévéas et d’une strate moyenne d’arbres fruitiers – mangoustans, ramboutans, dourians – et d’agaves et d’orchidées dont Singapour est un grand exportateur.Cent cinquante ans d’histoireCe n’est qu’en 1819 que cet îlot forestier équatorial entre dans l’histoire, lorsque sir Thomas Raffles le choisit pour y établir une base britannique capable de faire pièce au contrôle hollandais des détroits de Malacca et de Sunda; de successives tractations aboutissent à l’achat de l’île à ses maîtres malais par la Compagnie des Indes orientales.En 1826, Singapour, Malacca et Penang sont réunis sous l’administration commune de l’Inde britannique – les Straits Settlements – pour devenir colonies de la Couronne en 1867. Une conjoncture exceptionnelle – ouverture du canal de Suez en 1869 puis développement de la navigation à vapeur – consacre alors Singapour dans sa vocation portuaire, tandis que la prise de possession de la Malaisie par les Britanniques, la mise en valeur de l’étain et de l’hévéa provoquent un appel massif de la main-d’œuvre chinoise, dont Singapour devient la plaque tournante (77 000 Chinois en 1879, 654 000 en 1909). Singapour, grand port d’entrepôt, sert de débouché au monde malais mais aussi, avec le tournant du siècle, voit naître une activité industrielle liée à l’activité portuaire et au développement du marché intérieur. La grande crise de 1930 est surmontée grâce à une nouvelle diversification des activités; c’est alors que surgit la menace japonaise, soulignée par l’invasion de la Mandchourie puis de la Chine en 1937, et qui conduit les Britanniques à implanter à Singapour leur plus puissante base navale en Extrême-Orient, considérée comme un verrou. On attendait les Japonais au sud, par mer, mais ils déferlent au nord via la péninsule malaise, et Singapour tombe le 15 février 1942 pour n’être libérée que le 5 septembre 1945.La nouvelle donne internationale de l’après-guerre conduit les Britanniques à considérer que la reconstitution de l’Union malaise serait mieux acceptée par les Malais si Singapour, plus actif et surtout à majorité chinoise, était doté d’un statut à part; différentes constitutions successives sont alors mises en œuvre pour aboutir à la Constitution du 3 juin 1959, après des élections qui donnent la majorité au People’s Action Party, dont le leader, Lee Kuan Yew, devient Premier ministre. L’objectif du P.A.P. est alors l’indépendance par fusion avec la Fédération malaise, fusion réalisée le 16 septembre 1963. Mais les difficultés se multiplient dès 1964: troubles raciaux et affrontements meurtriers en été à Singapour, agressions et actes de sabotage indonésiens tout au long de l’année contre Singapour et la Malaisie. Le résultat de telles secousses est la proclamation de l’indépendance de la république de Singapour le 9 août 1965. Depuis lors, les élections générales de 1968, 1972, 1976 et 1980 ont donné la totalité des sièges au parti de Lee Kuan Yew, dont la «démocratie musclée» gère Singapour à la manière d’une grande firme qui étonne par ses performances: contrôle total des médias, grèves jugulées, développement industriel fulgurant, activités portuaires aux premiers rangs mondiaux, place financière de l’Asie du Sud-Est, pilier de l’A.S.E.A.N., urbanisation unique au monde à cette échelle, etc.Le 28 novembre 1990, Lee Kuan Yew, le père fondateur, est remplacé par Goh Chok Tong, brillant technocrate qui va placer le devenir de la cité-État sous le signe de l’internationalisation. C’est en particulier «l’ouverture» de la Chine depuis les années 1980 mais aussi la prochaine intégration de Hong Kong à la République populaire en 1997 qui semblent devoir assurer une nouvelle fortune à la traditionnelle fonction d’interface entre le monde chinois et le monde anglo-saxon qui a caractérisé Singapour. Signe des temps, l’usage de la langue chinoise, défavorisée au profit de l’anglais depuis 1966, se trouve très encouragé depuis la fin des années 1970 comme sont désormais prônés un retour aux «valeurs morales asiatiques» et l’introduction officielle de l’enseignement de l’éthique confucéenne dans les écoles secondaires.Le peuplementÀ l’arrivée de sir Thomas Raffles, l’île de Singapour ne comptait qu’une centaine de Malais ainsi que quelques dizaines de petits planteurs et boutiquiers chinois venus de l’archipel voisin des Riau. Entre 1830 et 1870, une première vague migratoire essentiellement chinoise est favorisée par les Britanniques, portant la population à plus de 100 000 habitants. Mais c’est après 1870 (mise en valeur de la Malaisie par les Britanniques) que l’immigration chinoise prend un caractère massif: 654 000 en 1909, dont plus de 300 000 seront fixés en 1911. Le mouvement se poursuit jusqu’à l’invasion japonaise, avec un temps fort à partir de 1933 qui voit arriver une immigration féminine – 200 000 femmes chinoises s’installeront alors –, modifiant profondément cette société jusque-là masculine et temporaire, en la structurant et en l’enracinant à Singapour. Au 30 juin 1993, sur les 2 873 800 Singapouriens, 77,5 p. 100 sont d’origine chinoise, 14,2 p. 100 d’origine malaise, 7,1 p. 100 d’origine indienne, et le chinois (mandarin), le malais, le tamoul et l’anglais sont langues officielles, sans exclure de nombreux dialectes.La population chinoise est elle-même constituée à 32 p. 100 de Hokkien (originaires du Fujian), à 18 p. 100 de Chaozhou (originaires de la région de Swatow), à 15 p. 100 de Cantonais, à 6 p. 100 de Hainanais et à 5 p. 100 de Hakka (Guangdong), dont est issu Lee Kuan Yew.La population active ayant un emploi compte 1 592 000 personnes en 1993, dont 26 p. 100 dans l’industrie (30 p. 100 en 1980), 56 p. 100 dans le commerce et les services (21 p. 100 en 1980) et seulement 1,8 p. 100 dans le secteur primaire (11 p. 100 en 1980).L’évolution démographique de Singapour a été exemplaire: la forte croissance des années 1960 (30 p. 1 000), liée à une forte natalité (38 p. 1 000) et à une mortalité déjà très faible (8 p. 1 000), s’effondre à partir de la fin de cette décennie 漣 17 p. 1 000 en 1970, soit un taux de mortalité de 5,3 p. 1 000 et un taux de natalité qui tombe à 25,6 p. 1 000. Singapour en est arrivé à avoir la croissance démographique la plus faible de l’Asie – comme le Japon –, soit un taux de 10 p. 100 en 1993 découlant d’un taux de mortalité resté à son niveau le plus bas et d’un taux de natalité abaissé à 15,2 p. 1 000. C’est au début des années 1970 qu’une campagne de grande ampleur s’est développée, fondée sur le slogan Two is enough et assortie d’un dispositif répressif pour les familles mettant au monde un troisième enfant. Une telle évolution constitue un modèle du genre où sont conjugués la détermination des autorités, le caractère autoritaire du système, l’élévation rapide du niveau de vie et la nature essentiellement urbaine du peuplement. Mais, comme au Japon, la politique de contrôle des naissances a si bien réussi qu’elle conduit, à l’horizon 2000, à un vieillissement accéléré de la population tandis que le renouvellement de la population active ne sera plus assuré. Aussi, le jour de la fête nationale en 1983, le Premier ministre annonce-t-il une campagne de relance de la natalité, mais une relance sélective au profit des femmes diplômées, dont le troisième enfant bénéficiera d’une instruction privilégiée tandis que les femmes des couches sociales inférieures seront encouragées par des primes à se faire stériliser... Ce dispositif est complété par une vaste campagne destinée à encourager les jeunes diplômés à procréer; après le Two is enough , c’est le slogan Love is a very splendid thing , mais uniquement pour les citoyens à quotient intellectuel élevé... Eugénisme d’État à sinistre connotation. Qui plus est, dans un discours de décembre 1985 devant l’Université nationale, le Premier ministre a souligné les mérites de la polygamie pour les diplômés!Le développement urbainÀ partir de 1819, le premier noyau urbain s’est ancré sur la rivière Singapour face à la meilleure rade portuaire. Cette urbanisation s’inscrit dans la tradition des villes-comptoirs de la Compagnie des Indes orientales, conçues comme des unités planifiées, fonctionnelles et hiérarchisées: une aire centrale – de part et d’autre de la rivière Singapour – destinée aux édifices publics (c’est l’actuelle City); au nord, le quartier européen; à l’ouest, le quartier chinois; à l’est, le vieux kampong malais avec la mosquée, et au-delà le quartier indien.Mais très vite Singapour connaît un rythme de croissance bien supérieur à celui des autres villes-comptoirs de la région (en 1870, sa population dépassait déjà les 100 000 habitants), de telle sorte que les limites assignées aux différentes composantes de cet espace urbain sont vite débordées tandis que la communauté chinoise se densifie considérablement, imprimant très fortement sa marque – architecturale, commerciale, communautaire – et provoquant à partir de 1880-1900 un essaimage en faubourgs où les familles les plus aisées construisent des «maisons urbaines»; à partir de 1927, le centre n’est plus peuplé que par les moins fortunés (Européens mis à part). Les grandes vagues migratoires chinoises (et l’arrivée des femmes jusque-là marginales) de l’entre-deux-guerres et un taux de natalité de plus de 40 p. 1 000 provoquent surpeuplement et détérioration accélérée de la ville chinoise, où un logement conçu pour une famille en abrite désormais jusqu’à dix! En 1955, ce centre chinois apparaît alors comme un quartier de taudis parmi les plus denses du monde. Mais c’est aussi, au cours des années 1930, un développement sauvage de squatter slums sur toute la périphérie urbaine et en particulier au nord (Bukit Ho Swee, Toa Payoh) et au sud (quartier malais de Geylang). Le phénomène s’est poursuivi après la guerre, si bien qu’en 1960 le tiers de la population de Singapour vivait en slums .Le 1er février 1960 est créé le Housing Development Board (H.D.B.) qui met alors en œuvre, par programmes quinquennaux, une immense entreprise de relogement en unités de type H.L.M.: 50 000 de 1960 à 1965, plus de 65 000 de 1966 à 1970, 113 000 de 1971 à 1975 et plus de 130 000 de 1976 à 1982. Au total, en 1993, quelque 87 p. 100 de la population singapourienne ont été ainsi relogés, dont la majorité dans une douzaine de villes nouvelles (cf. carte) conçues selon le principe britannique de «voisinage» (neighbourhood units ), qui organise l’espace de ces villes nouvelles selon une grille hiérarchisée d’équipements et d’infrastructures en fonction de seuils relatifs aux surfaces construites et aux densités de peuplement. Les grands équipements d’un town center desservent l’ensemble de la ville nouvelle, faite d’unités de voisinage articulées sur un centre secondaire qui regroupe les équipements desservant uniquement le voisinage, lequel compte entre deux mille et cinq mille ménages; un système de prélèvement sur les salaires permet à 80 p. 100 des ménages en 1993 d’accéder à la propriété de leur logement.Le centre-ville lui-même est un chantier actif depuis la création, en 1966, de la Urban Redevelopment Authority, qui a déjà remodelé la partie centrale de part et d’autre de la rivière Singapour et qui a détruit la chinatown , en préservant toutefois un îlot, témoin du passé historique et curiosité touristique. Peu de villes au monde, à cette échelle, connaissent un remodelage aussi rapide et aussi radical; il n’est pas surprenant que ce soit précisément le bâtiment et les travaux publics qui aient longtemps constitué le premier secteur d’activités françaises à Singapour.Le développement industrielMalgré une première diversification des investissements (construction, banques, industries légères) consécutive à l’effondrement des prix de l’étain et du caoutchouc en 1920 et à la grande crise de 1930, l’économie singapourienne d’après guerre reste dominée par le commerce d’entrepôt et les activités induites de la base navale britannique. Une toute nouvelle conjoncture s’ouvre avec l’indépendance de 1965, qui entraîne la perte de l’hinterland malais – de nature à remettre en cause la fonction d’entrepôt – et le retrait des forces navales britanniques en 1971, lesquelles assuraient jusque-là 21 p. 100 du P.N.B. de l’île. En revanche, ce sont les premiers développements du tourisme de masse, la reprise du commerce avec l’Indonésie et, surtout, le boum du pétrole off shore de Malaisie et d’Indonésie. C’est sur de telles bases que Singapour entreprend un processus d’industrialisation accélérée qui fait passer la contribution de l’industrie au P.I.B. de 7 p. 100 en 1960 à 11 p. 100 en 1966, 36 p. 100 en 1976, 33 p. 100 en 1981 et 28 p. 100 en 1993 (baisse relative liée à l’essor du secteur tertiaire supérieur). C’est en même temps une transformation structurelle de l’industrie singapourienne qui – industrie de main-d’œuvre – se tourne vers les marchés d’exportation pour des productions de plus en plus sophistiquées comme l’électronique de consommation; d’où une croissance fulgurante, en termes de valeur ajoutée: 28 p. 100 en 1970, 42 p. 100 en 1973, 13 p. 100 en 1977 (choc pétrolier) et 33 p. 100 en 1980. Le rôle des pouvoirs publics a été décisif: par la création d’entreprises d’État – chantiers navals Keppel, Singapore Petroleum, National Iron and Steel Mill, Singapore Electronics, industries alimentaires et du bois – et par la mise en place d’organismes spécialisés: Development Bank of Singapore, Economic Development Board, International Trading Company, Jurong Town Corporation qui administre trente zones industrielles nouvelles comptant quelque 5 300 établissements qui emploient plus de 400 000 personnes; la zone la plus importante est celle de Jurong-Southern Island sur le littoral sud-ouest, qui couvre plus de 6 000 hectares portant quelque 2 800 entreprises qui occupent 188 000 travailleurs; un rigoureux zoning y fait succéder, du littoral à l’intérieur, installations portuaires, industries lourdes (pétrole, sidérurgie), industries du bois, industries textiles, industries électroniques; des espaces verts les séparent d’«unités de voisinage» prévues pour loger quelque 100 000 personnes. C’est le plus grand ensemble industriel de ce type en Asie du Sud-Est. Les investissements étrangers ont été vigoureusement encouragés non seulement par la disponibilité d’une main-d’œuvre efficace et docile, mais aussi par un dispositif de mesures incitatives comme l’exonération fiscale pendant cinq à dix ans selon la nature de l’investissement, la réduction de l’impôt sur les bénéfices à l’exportation, l’exonération des droits de douane pour les matières premières (sauf le pétrole), etc. Ces investissements sont passés de 1 milliard de dollars en 1970 à 29 milliards en 1993 (investissements cumulés exprimés en dollars de Singapour). Ce sont au total plus de 700 firmes – dont plus de 200 joint-ventures (entreprises mixtes Singapour-étranger) où figurent les grandes multinationales –, dont les activités principales se répartissent ainsi en 1984 (pourcentage du stock brut d’actif fixe): le quart dans le secteur pétrolier, le tiers dans la production électrique et électronique et le reste, pour l’essentiel, entre les biens d’équipement et la chimie; ces investissements étrangers sont à plus de 30 p. 100 américains (États-Unis), à plus de 15 p. 100 japonais, et aussi britanniques, et à quelque 10 p. 100 hollandais.L’ensemble industriel de Singapour est dominé par quatre grandes branches:– Les chantiers navals ont joué un rôle moteur dans l’industrialisation de Singapour au cours des années 1960-1970; c’est la branche industrielle la plus importante à rester majoritairement contrôlée par des capitaux locaux. Secteur à son apogée en 1981 (30 000 emplois, 13 p. 100 de la valeur ajoutée de l’industrie), il est en crise depuis lors (17 000 emplois et moins de 10 p. 100 de la valeur ajoutée) avec de nombreuses fermetures, les chantiers survivants s’efforçant de se reconvertir dans la fabrication de diverses structures flottantes, de navires de guerre, et les chantiers qui se situaient au premier rang mondial pour les jack-up (plates-formes) en 1981 se tournent vers les charpentes métalliques, les grues, etc. Toutefois, un vaste plan de reconversion vise à faire de Singapour un centre régional d’exportation de technologie, d’ingénierie, d’assistance technique et de formation de main-d’œuvre pour la construction navale.– La pétrochimie , liée directement à l’activité portuaire, qui ne crée que 11 000 emplois mais 13 p. 100 de la valeur ajoutée, compte, pour quelque 20 p. 100 environ, dans la valeur totale des exportations en 1993. Singapore Petroleum, Shell, Esso, Mobil y totalisent une capacité de raffinage de plus de 50 millions de tonnes, dans une éminente position de «raffinage-relais» comme à Aden ou aux Antilles.– L’industrie textile reste le deuxième employeur de l’ensemble industriel singapourien malgré un déclin dans les années 1970-1980 où Singapour s’est trouvé pris en tenaille entre les pays en développement à plus faible coût de main-d’œuvre et les pays développés qui ont restauré leur compétitivité par la généralisation de l’automatisation. En revanche, Singapour a fort bien su tirer avantage de ses capacités de conception pour s’affirmer dans la confection de vêtements de moyenne et haute gamme.– L’industrie électronique est le phare de l’industrie singapourienne avec 27 p. 100 des emplois (71 000 personnes), 26 p. 100 de la valeur ajoutée de l’industrie, 85 p. 100 de sa production à l’exportation, mais aussi un capital investi à 87 p. 100 d’origine étrangère. En 1979, la production électronique «grand public» comptait pour 41 p. 100 des exportations de la branche, mais seulement pour 24 p. 100 en 1985 à la suite des relocalisations au cours des années 1980 vers d’autres pays de la région à faible coût de main-d’œuvre; mais Singapour reste le premier producteur mondial de radiotransistors, tandis que l’électronique industrielle, qui ne comptait que pour 3 p. 100 en 1979, arrive à 33 p. 100 en 1985. Singapour est passé à l’assemblage d’ordinateurs, à la fabrication de micro-ordinateurs, à la bureautique et à la fabrication d’équipements pour les télécommunications qui lui ont valu une vigoureuse reprise en 1993 avec un taux de croissance de 23 p. 100.Dans un tel contexte, agriculture et pêche ont été marginalisées. Les activités agricoles n’occupent plus que 1 200 hectares (12 500 ha en 1967), consacrés aux légumes et à la production de volailles et de porcs. Il ne reste que quelque six cents pêcheurs fournissant 10 p. 100 des besoins de l’île, le principal port de pêche étant celui de Jurong.En revanche la fonction touristique a connu un développement fulgurant avec plus de six millions de touristes en 1993, contre seulement cinq cent mille en 1970; Singapour s’est efforcé d’offrir, non sans succès, l’image d’une «Asie instantanée» en miniature, dans le confort et l’efficacité.Le port, le commerce extérieur et la place financièreLe Port of Singapore Authority, créé en 1964, gère un ensemble de 600 kilomètres carrés de bassins maritimes, avec quelque 400 hectares en terre ferme, dont le trafic de 274 millions de tonnes en 1993 (dont plus de 40 millions par conteneurs) fait de Singapour un des tout premiers ports du monde. Le port historique est celui de Keppel, au sud, qui accueille surtout les vraquiers, tandis que Sembawang, au nord, reçoit les pondéreux, Jurong, au sud-ouest, étant équipé spécialement pour la grande zone industrielle du même nom et Tanjong Pagar étant le grand port à conteneurs. Singapour est également un important port pétrolier – quelque 50 millions de tonnes – et une «station-service» navale avec une vingtaine de cales sèches. La flotte nationale compte, en 1993, 2 394 bâtiments se situant ainsi au douzième rang mondial. Le commerce extérieur est à la mesure d’un tel équipement et structuré en fonction du caractère extraverti de l’économie singapourienne: les exportations dépassent 119 milliards de dollars singapouriens en 1993, dont plus de 50 p. 100 (25 p. 100 en 1976) pour les constructions mécaniques et électroniques et 12 p. 100 (23 p. 100 en 1976) pour les produits pétroliers, tandis que les importations dépassent 137 milliards de dollars singapouriens, dont 50 p. 100 (26 p. 100 en 1976) pour l’équipement mécanique et de transports et 18 p. 100 (27 p. 100 en 1976) pour le pétrole brut.Les principaux fournisseurs de Singapour en 1993 sont le Japon (20 p. 100), les États-Unis (16 p. 100), la Malaisie (16 p. 100), la Chine populaire (3 p. 100), la Communauté européenne (10 p. 100), tandis que ses exportations se répartissent ainsi pour l’essentiel: États-Unis (20 p. 100), Malaisie (14 p. 100), Japon (7,5 p. 100), Hong Kong (9 p. 100), mais un important commerce «invisible» se fait avec l’Indonésie. Développement portuaire, industriel et commercial, mondialisation de l’économie singapourienne sont allés de pair avec une stratégie financière inaugurée par la création, en 1968-1979, de la Monetary Authority of Singapore et de l’A.C.U.M. (Asian Currency Unit Market), faisant de l’île-État le marché des asiadollars où s’effectue le drainage des fonds pour les investissements en Asie du Sud-Est. Il sont fournis par les banques de dépôts et les firmes multinationales, et empruntés par les banques japonaises et les sociétés des différents pays de l’Asie du Sud-Est. Cent trente-deux banques commerciales y étaient implantées en 1993, dont les cinquante plus grandes du monde, auxquelles s’ajoutent soixante-quinze banques d’investissement pour les financements à long terme. Le poids de Singapour comme place financière internationale peut se mesurer par l’évolution de son Asian Dollar Market, dont l’actif est passé de 30 millions de dollars américains en 1968 à plus de 386 milliards en 1993.Singapour est en train d’accomplir, en cette fin de siècle, une triple mutation économique porteuse d’avenir: le passage de l’industrialisation lourde et des industries de main-d’œuvre qui avaient fondé son développement à des productions de haute technologie et à des services de pointe, les retrouvailles avec le monde chinois, en particulier avec la république populaire de Chine, revitalisant une traditionnelle fonction d’interface, la constitution d’un «triangle de croissance» avec la Malaisie et l’Indonésie témoignant de la redécouverte par Singapour de sa dimension régionale, de sa centralité en Asie du Sud-Est; il s’agit d’associer à Singapour le pôle méridional malais de Johore Bharu et l’île indonésienne de Batam, ces derniers devant recevoir industries de main-d’œuvre, capitaux et technologies de la cité-État qui, elle, y trouvera l’espace qui lui manque – en particulier pour son développement portuaire – et les terrains résidentiels et récréatifs auxquels aspire une classe moyenne de plus en plus nombreuse et aisée. Une telle entreprise est également très représentative du rôle économique de la diaspora chinoise dans la région puisque tous les grands groupes chinois de l’A.S.E.A.N. y participent, en particulier les proches du président Suharto, mais aussi les capitaux taiwanais.Au cours de ses vingt premières années d’existence, la république de Singapour a connu une croissance économique forte et soutenue – 10 p. 100 par an en moyenne 漣, brutalement ralentie au milieu des années 1980 mais à nouveau très dynamique (près de 10 p. 100 depuis 1993), tirée par le secteur électronique qui bénéficie d’une forte demande américaine et asiatique. Si près de 90 p. 100 des investissements sont encore d’origine étrangère, le taux d’épargne y est le plus élevé du monde tout comme le montant par tête des réserves monétaires étrangères qui dépassent 16 milliards de dollars américains. Avec un P.N.B. par habitant de plus de 19 000 dollars américains, Singapour se situe désormais au deuxième rang en Asie après le Japon.Singapourétat de l'Asie du S.-E. formé d'une île principale et d'îlots, séparé de la pointe de la péninsule malaise par le détroit de Johore; 641 km²; 2 700 000 hab. (croissance, contrôlée: 1 % par an); cap. Singapour. Nature de l'état: république, membre du Commonwealth. Langues off.: malais, chinois, anglais, tamoul. Monnaie: dollar de Singapour. Relig.: bouddhisme, taoïsme, hindouisme, islam. Géogr. phys. et hum. - Le centre de l'île, urbanisée à plus de 80 %, est occupé par une colline granitique, entourée de terrasses alluviales et de plaines marécageuses. La forêt dense, due à un climat équatorial très humide, a été remplacée par une végétation artificielle: cocotiers, hévéas, arbres fruitiers; un aqueduc venant de Malaisie (Johore) couvre 50 % des besoins en eau de Singapour. La pop. est composée de Chinois (75 %), de Malais et d'Indiens. écon. - Premier port mondial pour le transit, princ. place financière de l'Asie du Sud-Est, Singapour reçoit du monde entier des marchandises qu'il redistribue dans toute l'Asie du S. L'industrialisation, due à des investissements étrangers (amér., jap., brit.), attirés par la fiscalité, a été très rapide (industries de pointe et à haute productivité) mais la croissance s'est ralentie en 1995-1996 et le pays a subi la crise boursière et financière qui a frappé l'Asie du Sud-Est en 1997. Le pays connaît une pénurie de main-d'oeuvre et exporte son savoir-faire en Malaisie. Le tourisme est actif. Hist. - En 1819, sir Stamford Raffles acheta l'île au rajah de Johore pour la Compagnie anglaise des Indes orientales et fonda la ville moderne de Singapour, qui put contrôler le détroit de Malacca. En 1828, Singapour fut rattachée aux comptoirs anglais de Malaisie et devint, après 1921, une puissante base écon. et stratégique. Les Japonais s'en emparèrent en fév. 1942. Redevenue brit. en sept. 1945, Singapour accéda à l'indép. en 1959, adhéra à la Féd. de Malaisie en 1963 puis fit sécession en 1965. Lee Kuan Yew, président de la Rép. de 1959 à 1990, musela toute opposition de gauche. Son successeur, Goh Chok Tong, appartient au même parti (Parti d'action du peuple, P.A.P.), lié aux È.-U. et au Japon. En 1997, le P.A.P. remporta à nouveau les élections législatives.
Encyclopédie Universelle. 2012.